Impressions sur un Prix Goncourt des lycéens à Aix en Provence

écrivains du sud

Impressions sur un Prix Goncourt des lycéens à Aix en Provence

En 1988, sous l’égide de l’Académie Goncourt, les libraires de la FNAC décident de créer un prix littéraire qui aura pour objectif d´inciter les jeunes à lire : le prix Goncourt des lycéens est né. Durant deux mois les élèves de 54 lycées de classes de seconde, première ou terminale, générales, technologiques ou professionnelles, choisis dans toute la France vont lire et étudier l’ensemble des ouvrages de la sélection annuelle de l’Académie. Ils pourront échanger et débattre avec les auteurs lors des rencontres organisées par la Fnac, entre le 9 et 20 octobre dans sept villes de France : Le 17 octobre quatre lycées de la région et 12 auteurs invités se sont rencontrés à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence pour la journée aixoise du Goncourt des Lycéens placée sous l’égide de la Fnac, de la Ville et de l’Académie Goncourt.

« La littérature nous fait, nous forme, nous conduit, c’est une façon de regarder le monde que nous n’avons pas vécu. Dans cette liste où aucun livre ne se ressemble, il y a le meilleur pour chacun d’entre nous « Paule Constant de l’Académie Goncourt.

Akira Mizuyabashi «Suite inoubliable», Jean-Baptiste Andréa «Veiller sur elle », Léonor de Récondo «Le grand feu », Vincent Delecroix « Naufrage », Émilie Frèche « Les amants du Lutétia », Mokthar Amoudi « Les conditions idéales», Éric Reinhardt «Sarah, Suzanne et l’écrivain», Dorothée Janin «La révolte des filles perdues», Dominique Barbéris «Une façon d’aimer», Laure Murat « Proust, roman familial » Antoine Sénanque «Croix de cendre» et Gaspard Koenig « Humus » vont tour à tour se prêter au jeu des questions-réponses de leurs jeunes lecteurs.

« Qu’il était amusant de voir le journaliste-modérateur Hubert Artus inviter les lycéens à sortir de leurs zones de confort avec leurs questions bien préparées, pour au contraire improviser, rebondir sur les réponses des écrivains et les surprendre ! Non, les échanges sont restés toujours policés, mais intéressants, montrant d’une part que les 12 livres ont été lus avec attention, d’autre part que les écrivains doivent aussi aller à l’encontre de leurs lecteurs, comprendre ce que ces jeunes voulaient savoir au travers de leurs questions. » Cécile Guérini

« Quelques belles lectures d’extraits de roman… Quelques réflexions et questions pertinentes. Certainement une belle aventure et une première expérience dans le domaine littéraire pour la majorité des élèves qui ont l’opportunité de rencontrer les auteurs, de s’exprimer à voix haute malgré une certaine émotion et de débattre de questions quelques fois surprenantes. …Face aux lecteurs, des auteurs qui se prêtent au jeu, sont à l’écoute et qui n’hésitent pas à livrer une part de leur vie intime, pour apporter un éclairage supplémentaire sur la structure du roman. Je n’oublierai pas les enseignants qui se sont investis dans cette tâche pour accompagner leurs élèves et permettre ainsi ces échanges fructueux. » Marie-Andrée JUGI

« J’’ai été impressionnée en premier lieu par la parfaite organisation de cette journée, ainsi que par l’attitude des lycéens, ouverts, intéressés, attentifs tandis que les interventions, d’une haute teneur, alliaient un très agréable mélange de simplicité dans la relation et de richesse dans le contenu. Les mises en abîme entre réalité, fiction, poésie, imaginaire, mais aussi les mises à distance, ouvertures, savoirs, réflexion philosophique ont mis en valeur la grande diversité des thèmes, des problèmes humains et sociaux posés par les livres de la sélection Goncourt.» Chantal Baldini

« Un début doux, léger et grave à la fois avec Akira Mizubayashi dont la parole épouse la calme détermination de la suite 1 pour violoncelle de Bach …l’excellence de la littérature et de la musique retissent les liens entre passé et présent, disparus et vivants, elle console. »

Comme l’héroïne libérée grâce à la musique de Léonor de Recondo qui souligne l’univers commun de la littérature et de la musique, Jean-Baptiste Andréa donne envie de suivre ses personnages faillibles comme nous mais allant vers la Lumière, autre quête de communication vers le Haut, le Spirituel, le Religieux grâce à l’Art.

Avec Vincent Delecroix se pose la question de l’opportunité de mettre une fiction sur un drame actuel alors quEmilie Frêche peine à expliciter ce pacte suicidaire des amants du Lutécia quand son écrit indique de nombreuses raisons disparates d’y souscrire.

C’est avec une voix ferme que Mokhtar Amoudi parle de sa nécessité d’écrire puisque l’Aide à l’Enfance ne commence pas à 21 ans, il écrira tout seul pour se libérer

Éric Rheinhardt lui est au centre de la technique de l’écriture avec une vraie ambition de raconter le monde par le livre.

Dorothée Janin pense à l’impossibilité des délinquants de s’extraire de leur passé, c’est pour eux qu’elle écrit. Dominique Barbéris travaille sur les sensations et le travail de la mémoire.

Laure Murat aborde l’homosexualité dans la société qu’elle connaît si bien, qui n’exclut personne tant que les choses ne sont pas dites. Grâce à Proust, ce sujet minoritaire devient universel et sa subtile analyse le rend soudain habitable.

Antoine Sénanque nous plonge dans un XIVème siècle noir comme sa peste …qui nous renvoie à l’actualité des virus …Ne pas s’acharner sur les rats ! dit-il … …

…Aussi ce fut joyeux de rendre justice aux laids, mal aimés vers de terre et leur lombricompost avec Gaspard Koenig que nous aurions aimé entendre davantage, lui aussi… »

Marie- Elisabeth Labrugière

« Nous avons rencontré des élèves, sérieux de la mission qui leur est confiée : le pouvoir de choisir. Choisir l’écrivain ou l’écrivaine dont le livre les aura le plus touchés. Et pour cela, quoi de mieux que de confronter ces auteurs à la spontanéité de leurs interrogations ? Les questions brutes de ces adolescents à la recherche de réponses. Quel bonheur de voir cette jeunesse intéressée par la lecture, se rattacher parfois aux écrivains qui prennent soudainement des allures de grands frères, de pères, d’exemples. » Salomé Romano

L’objectif de ce prix est de faire découvrir aux lycéens la littérature contemporaine et de susciter l’envie de lire. Près de 2 000 élèves ont lu et étudié les 16 romans de la sélection, un marathon difficile mais exaltant. Aujourd´hui le Goncourt des lycéens est devenu un prix reconnu par l´ensemble des acteurs du livre ainsi que par le public et son impact est à la fois commercial et sociétal.

Verdict à Rennes le jeudi 23 novembre 2023

Photos : Eliane Fousson et marie-Bernard Patouillet

Rédaction et mise en page : Chantal Bouvet