© F. Mantovani

Paule Constant

Docteur ès-lettres et sciences humaines (Paris-Sorbonne), Professeur des Universités. Fondatrice et présidente depuis 2000 du “Centre des Écrivains du Sud – Jean Giono” et des Journées des Écrivains du Sud. Présidente du Femina en 2013. Jurée du Prix Mauriac, du Prix Valery Larbaud, présidente du Prix Giono, membre du conseil littéraire de la fondation prince Pierre de Monaco. Membre de l’académie Goncourt depuis 2013.

Grand Prix du roman de l’Académie française pour White spirit (1989), Grand Prix de l’essai de l’Académie française pour Un monde à l’usage des Demoiselles (1987), Prix Goncourt pour Confidence pour confidence (1998). Son roman : Des chauves-souris, des singes et des hommes (2016) a aussi été publié en livre audio, lu par Marie-Christine Barrault (2017) et en BD (Gallimard Jeunesse, 2018) en collaboration avec Stéphane Barroux. En 2019, est paru Mes Afriques (Quarto-Gallimard). Tous ses ouvrages ont paru chez Gallimard. Elle est traduite en une trentaine de langues.

Dernier ouvrage paru : « La cécité des rivières » (Gallimard 2022)

Avant propos

La présente édition du roman de Paule Constant en Afrique est une bonne nouvelle. Non pas parce que le récit qu’il charrie aurait quelque chose de christique, très loin de là. Mais parce que cette œuvre toute tournée vers l’Afrique après sa parution (ou sa naissance, c’est selon) chez Gallimard à Paris, avait, tout comme son personnage central, Éric Roman, besoin de faire le « pèlerinage » d’un continent dont il est le prétexte, l’objet et la scène. Et que ce soit le premier titre de la collection Negala, mis sur pied par les Editions Ifrikiya à Yaoundé avec le soutien de l’Institut français du Cameroun décuple sa vocation de « bonne nouvelle ».

Tout comme la procédure éditoriale camerouno-francaise qui l’encadre et la rend possible ici, La cécité des rivières est le roman de la rencontre entre la France et l’Afrique. Et cette rencontre, on le voit dans le fil du récit qui s’organise autour du Nobel de la médecine Éric Roman, est sujette aux aléas de l’histoire, faite de fulgurance, de tumulte, de douleur, de clair-obscur, de quelques flamboyances aussi. Éric Roman a vécu une partie de son adolescence auprès de son père, le médecin-colonel Paul Roman, à Petit-Baboua, un bled perdu dans la forêt équatoriale de l’est du Cameroun, à la frontière avec la Centrafrique. C’est le souvenir de ce séjour qui remonte aux débuts des années 60, après les indépendances des pays africains, qui ramène cinquante ans plus tard Éric, devenu auteur d’une découverte scientifique en génétique des virus des fleuves et des rivières, sur les traces de son enfance. L’équipe qui l’accompagne dans cette véritable odyssée,  les réalités qu’il retrouve ou qu’il découvre, les réflexions et les sentiments que tout cela suscite, les visages complexes et parfois effrayants de l’Afrique, de la médecine, des liens hommes-animaux, de la condition de la femme, de la colonisation et de l’Occident ; la retraite collective et pathologique des Africains dans un anonymat suffocant et leurs liens ambiguës avec l’histoire sont, entre autres, les sujets qui alimentent une écriture puissante, allégorique et dont la sève intertextuelle est l’une des plus nourrissantes qui soit.

Lorsqu’on achève la lecture de La cécité des rivières, on peut être sous le choc de ce qu’on y découvre quand on est d’Afrique. On peut avoir l’impression chaotique que plus de cinquante ans après la colonisation, le temps s’est écroulé en pure perte sur le continent, ou qu’il n’a pas bougé du tout, pris dans les lassos de l’inaction ou de la dégénérescence. L’environnement semble être pris au piège des pathologies dévastatrices, de la décomposition, de la rouille, de la lèpre, de l’oubli, etc. L’effort colonial, ou ce qui en tient lieu, n’a pas pu être capitalisé, par une masse humaine engluée dans une existence végétative, indolente, amnésique… Et l’initiative locale, visible, nulle part, est à la remorque d’un contexte où les Chinois semblent avoir remplacé les Français dans ce qui est susceptible d’inscrire le pays dans la modernité.

On peut ainsi lire ce roman. Mais réduire à cela La cécité des rivières c’est ignorer la vocation de l’œuvre littéraire à provoquer un électrochoc dans la conscience de son lectorat, à l’inciter à la « production de ses propres métaphores du futur » selon la belle expression de Felwin Sarr dans Afrotopia.

Une littérature qui fait florès et qui date fait de l’Afrique une terre qui, à travers ses écrivains, regarde, accuse et condamne. Et ce regard, on le sait, est en grande partie tourné vers l’histoire, vers l’Occident colonial, avec ses fresques et ses frasques. Voici que l’Afrique est regardée à son tour, par un œil d’outre-mer, un œil libre de femme, d’une intelligence vive, qui ne s’encombre pas de voilures diplomatiques, pour dépeindre un univers qui a nourri sa propre enfance.

A nous de faire face à ce regard, de l’intégrer comme l’aiguillon d’un sursaut d’orgueil et d’actions ou de l’enfermer dans la rhétorique improductive et faussement consolatrice d’un Occident qui nous veut éternellement du mal.

Il était temps qu’une parole puissante bouscule nos convenances, pour que nous prenions conscience de nos « cécités des rivières », ou que nous guérissions. Il était temps qu’un roman nous parle.

Jean-Claude Awono

© Photo Archives Gallimard

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Dans un village africain, une fillette heureuse cajole une chauve-souris. De jeunes garçons rapportent…

Mes Afriques - 2019

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La cécité des rivières - 2022

Au terme d’une carrière scientifique hors du commun, Éric Roman a reçu le prix Nobel. Il accepte de prêter de son prestige à une tournée…