Dans le confinement le silence se fait assourdissant. Il précède le lointain ronflement d’une vague qu’on n’imagine pas.
L’histoire d’un festival
Créé en 2000 par Paule Constant, qui en assure la présidence, le Centre des Ecrivains du Sud -Jean-Giono a pour vocation de promouvoir, à travers des manifestations littéraires, la littérature française et francophone contemporaine, avec Sylvie Giono, fille de Jean Giono, présidente d’honneur et Michel Déon, de l’Académie française qui préside son comité culturel. Le Centre des Écrivains du Sud organise des entretiens , des master-classes et des journées où il réunit des écrivains français et francophones qui illustrent le Sud comme concept esthétique, tel que l’a défini Jean Giono, celui des cultures classiques et des mythologies antiques.
En 2015 est créé le Festival des Écrivains du Sud qui devient une grande manifestation littéraire annuelle sur 4 jours où les Journées des Écrivains du Sud sont désormais une des manifestations. Le festival se déroule devant un public varié venu de la ville d’Aix et de la région et devant les étudiants de l’Université d’Aix-Marseille et de l’Institut d’Etudes politiques d’Aix. Au cours de leur venue à Aix-en-Provence, les écrivains ont aussi l’occasion de participer, sur demande, à des activités spécialement conçues pour des écoliers.
Depuis 2015 se sont renforcés les liens avec l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence et avec l’IESM qui clôture le festival avec un concert musical.
Au cours du festival les auteurs analysent un grand thème commun à leur inspiration. C’est dans le célèbre amphithéâtre Zyromski de l’Hôtel Maynier d’Oppède que le festival a pris naissance. Depuis sa création, le Centre a reçu des centaines d’écrivains acteurs de l’actualité littéraire qui ont animé ces activités. L’oeuvre de Jean Giono (2003), le roman d’aventures (2004), les contes de fées (2005), les héros préférés (2006), le roman d’amour (2007), la biographie (2008), la passion (2009), pourquoi faut-il lire… (2010), l’art d’écrire (2011), les chemins de la création (2012), le roman du roman (2013), le roman du romancier (2014), lire et écrire (2015) ; la création (2016) ; l’émotion (2017) ; animaux-animots (2018) ; pourquoi écrire (2019).
Les éditos de Paule Constant
2015 lire et écrire
Où l’art d’écrire commence-t-il ? Où l’art de lire finit-il ? Les deux activités ne sont pas aussi dissociées qu’il y paraît. Un écrivain aura dû beaucoup lire pour parvenir à l’oeuvre, et les lecteurs savent par expérience qu’ils finissent toujours par écrire le livre qu’ils lisent. Lire, c’est écrire au-dessus de l’épaule d’un auteur qui n’en finit pas de se lire à travers les autres. Pendant quinze ans j’ai interrogé les Ecrivains qui participaient aux Journées des Ecrivains du Sud sur les sources et les formes de leurs lectures. Comme le public, quels lecteurs ont-ils été de romans d’aventures, de romans d’amour, de contes de fées ? Comment ont-ils rencontré leurs héros préférés ? Que nous soient données pour longtemps la passion de lire et la force d’écrire.
2016 La création
Le lecteur demande inlassablement à l’écrivain : “Comment faites-vous ? D’où vous est venue cette idée ? Où avez-vous trouvé ces personnages ? Pourquoi ce commencement, cette fin ? ….” Inlassablement, il l’interroge sur sa création, oubliant qu’il est lui-même créateur de sa lecture. Et l’écrivain, le moins exigeant de tous les créateurs, celui qui crée sans matière, sans couleur, sans musique, juste quelques signes qui forment des mots sur une page blanche, raconte volontiers l’histoire de sa création. Il invente bien sûr. Pendant le Festival des Écrivains du Sud, soixante écrivains nous raconteront soixante histoires de création.
2017 l’émotion
Après “la Passion”, “la Création”, c’est “l’Émotion” que nous allons interroger en 2017, ce lien très fort qui existe entre l’artiste, son oeuvre et son public, cette relation intense qui s’établit entre le public et l’oeuvre qu’il s’approprie, l’artiste qu’il interroge. Toute oeuvre d’art suscite de l’émotion, la peinture, la musique, la danse, … et tout particulièrement la littérature dans le roman et surtout la poésie.
L’émotion est une empathie, légère ou passionnée, avec son prochain, la nature, les animaux. Elle naît aussi de ce que l’on voit sur nos écrans, que l’on entend à la radio, elle est alors médiatique, politique, historique. Plus notre champ de perception et de connaissance s’élargit, plus le domaine de l’émotion s’étend. Plus l’émotion se diversifie, plus elle s’exprime intimement. Larmes, rires, tristesse, joie, colère, haine, angoisse, malaise, … notre corps est le théâtre permanent des émotions qui le submergent. L’émotion n’est pas qu’un trouble du passé, une rougeur qu’un éventail cache, un étourdissement que des sels dissipent, un coeur affolé que la main posée sur la poitrine contient, elle est une histoire de notre époque, aussi complexe que le monde où nous vivons, aussi intemporelle que les sentiments humains, aussi universelle que les peuples, aussi infinie que le partage de la vie. Nous avons demandé à des historiens, des sociologues, des philosophes, des romanciers, de artistes, des journalistes de venir défricher avec nous les territoires sans cesse renouvelés de l’émotion.
2018 Animaux-animots
Ils étaient là avant nous. Nous sommes nés d’eux. Nous sommes faits de leurs plumes, de leurs écailles, de leurs cartilages, nous sommes dans leur peau. Nous avons des fonctions communes, des organes semblables, des gênes de grande similitude et dans les premières semaines de leurs vies nos foetus se ressemblent. Les sociétés les plus anciennes dont ils étaient les dieux les ont adorés. Les mythologies ont toutes célébré les noces entre les hommes et les animaux, les déesses faisaient alors l’amour avec des cygnes et les dieux se changeaient en taureau pour enlever des mortelles. D’autres, pour glorifier leur divinité, posaient en majesté sur leur corps humain une tête d’animal.
Qu’avons-nous fait pour nous séparer d’eux, décréter qu’ils étaient inférieurs, que non seulement la divinité dont ils étaient l’apanage symbolique leur était interdite mais l’intelligence, l’émotion, l’amour. Qu’avons-nous fait, en sortant des rituels, pour les élever et les tuer de la façon la plus barbare alors même que nous apprenons leur humanité à nos enfants à travers des représentations animales.
Des philosophes, des romanciers, des sociologues, des éthologues et de simples amis de la cause animale viendront nous donner leurs points de vue. Ils nous éclaireront sur la révolution fondamentale qui se joue dans ce siècle, alors que nous nous regardons avec horreur dans le miroir que nous tend une animalité qui nous interroge.
2019 Pourquoi écrire ? Comment écrire ?
Pourquoi écrire ? Pour dire, clamer, proférer, partager. L’acte d’écrire est au bout de la parole comme le geste est au bout de la main. Mais aussi retenir, garder, protéger, comprendre. Organiser le chaos. Mettre l’indicible en musique et les étoiles à la portée du coeur. Comment écrire ? Avec ce que l’on veut et ce que l’on est. Les formes d’expression nous ressemblent, elles sont infinies.
2020 l’auteur et ses personnages
« Madame Bovary, c’est moi ! » déclare Flaubert se glissant dans l’intimité de l’héroïne d’un fait divers. Confronté à la même réalité, Mauriac s’émerveille de voir Thérèse Desqueyroux prendre son autonomie et réclamer un second roman pour se raconter. Que dire de Giono qui voit ses personnages imaginaires escalader le canapé de son bureau pour, figures minuscules, s’affronter en géants.
Dans lequel de ces écrivains majeurs les nombreux romanciers présents se reconnaissent-ils ? Ou nous proposent-ils de nouveaux schémas ? Tout auteur s’affronte à ses personnages. Qu’il se confronte à sa réalité que l’écriture, fatalement, transforme ou à une figure fondatrice dont il retrace l’épopée. Emmanuelle Lambert, Maurizio Serra, Olivier Bellamy s’y sont essayés et Pierre Assouline relève le défi de la combinaison périlleuse du roman et de la biographie.
Il y a plus complexe encore quand une oeuvre majeure est mise en images. Que reste-t-il des personnages conçus par l’auteur quand ils passent au travers du dessin qui leur donne une visibilité imaginaire ?
Stéphane Heuet s’est consacré à la Recherche, Ferrandez s’attaque aux chefs-d’oeuvre, après Camus voici Giono. Autre situation, que cherche une actrice dont l’emploi est de s’approprier des figures étrangères quand elle joue dans sa langue son propre rôle ? Nous écouterons les lectures d’Anne Brochet et d’Irène Jacob.
Un monument peut-il être un personnage ? Oui, répond Notre Dame de Paris à travers Maryvonne de St Pulgent quand il inspire pendant des siècles des artistes pour creuser dans le roman populaire de nouvelles fondations qui l’enracinent autant que de la pierre.
2021 L’écriture c’est la vie !
Dans Les Funambules, le héros compassionnel de Mohammed Aïssaoui réinvente le métier d’écrivain public pour le mettre au service des plus démunis. « L’écriture est la vie », dit-il en permettant aux fantômes qui hantent nos rues de laisser une preuve de vie.
Il existe toute une littérature du deuil pour ramener le mort sinon à la vie du moins à son vécu et l’inscrire dans un récit hagiographique. On ne compte pas les livres de réparation inspirés par les accidents de l’existence : chagrins d’amour, procès perdus, guerres oubliées, graves maladies.
Tout individu porte en lui une histoire qu’il met au monde lorsqu’il la couche sur le papier dans une symbolique presque religieuse. Par l’Écriture l’auteur s’inscrit dans la Création et confie son oeuvre à la vie éternelle des bibliothèques !
L’écriture ou la vie ? Éternelle question que se posent les écrivains que nous célébrerons pendant le Festival. Lapouge, ce voyageur immobile, explorateur des lieux qu’il a inventés. Giono, dont il était si proche, qui vivait sa création comme un rêve éveillé dans l’exubérance d’une perpétuelle recréation de la vie. Proust qui avait choisi d’écrire pour ne pas vivre et qui exploitait, confiné dans sa chambre, l’écho de ses souvenirs. Les frères Goncourt qui vivaient pour écrire et dont la vie n’était que les notes préliminaires du livre à venir.
Il paraît que le confinement a envoyé chez les éditeurs tant de livres qu’ils ont déclaré forfait. Le face-à-face avec soi-même est un grand pourvoyeur d’écriture. S’inventer pour ne pas avoir à se supporter, écrire pour se connaître mais surtout pour laisser une trace. En Occident, toute mémoire passe par un récit, un conte ou une histoire. L’Écriture, c’est la vie !
2022 La littérature éclaire le monde
A un moment où l’on voit la science hésiter et où nous mettons en doute ses grands principes et ses immenses découvertes, tournons-nous vers la littérature qui, passé, présent ou futur, nous conduit, par la lecture, à une réflexion sur nous-même qui dépasse époques et modes pour éclairer le monde. Au Festival des Ecrivains du Sud, nous retrouverons Molière pour nous faire rire de ce que nous sommes, Proust pour nous retenir dans son univers fascinant. Aux patients du Covid, Camus racontera les hommes au temps de la peste et Giono au temps du choléra. A côté de ces grandes figures du passé que nous célébrerons, chacun des cinquante auteurs présents lors de ce festival 2022 se fera voleur de feu, porteur de torche, pour nous éclairer sur notre temps, ses contradictions, ses hésitations et ses crimes.
Si nous avons tenu à mêler nos romanciers à des historiens, des paléontologues, des musiciens et à un astrophysicien, c’est que la littérature appartient au même domaine de l’inscription et du mystère, du signe et de l’espace infini, de l’intime et de l’inconnu. Huxley dans Le Meilleur des mondes, Orwell dans 1984, Vercors dans Les Animaux dénaturés, Kourkov dans Le Pingoin avaient décrit sous couvert de science-fiction ou d’anticipation, le monde où nous nous étonnons de vivre. En republiant les prix Goncourt depuis l’origine, le Figaro, qui vient à Aix présenter en exclusivité les premiers volumes de ce projet, nous offre, sur un siècle, le miroir de nos goûts et de nos mentalités à travers la littérature.
2023 L’écrivain dans son temps
Les frères Goncourt, qui avaient assigné au roman l’espace de l’actualité la plus sombre et de la réalité la plus sordide, s’évadaient par les arts dans un Japon millénaire et affirmaient leur admiration pour le dix-huitième siècle dont ils célébraient l’esprit, la grâce et … la femme. Leur oeuvre a réuni Germinie Lacerteux et Madame de Pompadour !
Comment les écrivains contemporains s’arrangent-ils d’un temps auquel ils ne peuvent plus échapper car, omniprésent, il se déverse en flot continu dans l’image, la parole et l’écrit de circonstance, inscrivant dans leur récit l’urgence de leur propre témoignage.
Ce sont les descendants des Goncourt, cette famille d’écrivains que les différents jurys Goncourt ont réussi, depuis une centaine d’années, à réunir à partir du testament d’Edmond, en ajoutant au fameux prix du roman, celui de la biographie, de la nouvelle, de la poésie, des lycéens et depuis la rentrée celui des détenus, qui peuvent en donner les réponses.
Pour l’écrivain le temps vécu se transforme en temps d’écriture, c’est-à-dire de recréation du monde. Dès qu’il écrit, l’écrivain échappe au temps des autres et son livre offre au lecteur un espace de réflexion comme de fuite sur les événements qu’il traverse dans l’accélération des commentaires médiatiques.
Nous sommes tous à rêver d’un livre sur le temps qui dépasse le temps.
2024 La vie est un roman
Le beau roman de Reinhardt, « Sarah, Susanne et l’écrivain », montre un romancier aux prises avec le désir d’une lectrice qui veut qu’il écrive pour elle le roman de sa vie. Quel écrivain n’a pas, un jour ou l’autre, fait la rencontre de ce personnage qui déclare que sa vie est un roman.
– C’est à dire ?
– Avec des aventures, des voyages, des rencontres inimaginables, des amours tragiques ou merveilleuses, des coups de chance, un destin…une vraie fiction !
– Mais il y a des romans de la réalité ordinaire, des autofictions, des récits, de plus en plus de récits, cet art si français !
Nous sommes à l’aube d’une nouvelle forme de romanesque. Adieu la fiction débridée. Chaque passant porte en lui le roman de son existence qu’il écrit en la vivant, une biographie minuscule avec un début, une fin, et les chapitres des âges de la vie. Tous semblables et chacun différent. Notre vie à distance que l’on retrouve dans celle de l’autre.
Quand Chat GPT, prenant le relais d’Arlequin et de ses avatars qui se consomment à millions d’exemplaires, écrira en quelques minutes des romans d’imagination bien fleuris, il restera dans nos cœurs le roman de notre vie. Il suffira pour certains d’entre nous de l’extraire de son mystère pour le mettre au monde. A « ma vie est un roman » succédera alors « la vie du roman », une aventure aussi difficile que mystérieuse. La lectrice de Reinhardt le sait bien qui fait appel à un écrivain. Certains passeront par l’école d’ateliers d’écriture ou de cours de création de prestigieuses universités. Les plus fous se lanceront, au risque de se perdre, dans la vie du roman, la seule qui vaille, celle de son écriture.
L'équipe
Une quinzaine de bénévoles sont chargés d’illustrer les rencontres par des comptes-rendus et des photos. Depuis l’origine toutes les rencontres ont été également enregistrées.
Chantal Baldini, Michèle Bernard, Alain Bouvet, Jean-Paul Buffille, Bertrand Colombier, Colette Douces, Eliane Fousson, Cécile Guerrini- Touchais, Marie-Andrée Jugi, Marie-Elisabeth Labrugière, Marie-Bernard Patouillet, Salomé Romano, Marc Saada, Sylvie Tiron.
Rédaction : Chantal Bouvet
Dans le confinement le silence se fait assourdissant. Il précède le lointain ronflement d’une vague qu’on n’imagine pas.
Du 20 au 24 mars 2024, le Festival des Écrivains du Sud accueillera des auteurs à Aix-en-Provence sur le thème « La vie est un roman ».
L’écrivain dans son temps – Pour sa neuvième édition, du 22 au 26 mars, le Festival des Écrivains du Sud embrasse le thème de « L’écrivain dans son temps ». Au programme, des rencontres avec des écrivains, des lectures, des débats et des conférences toujours riches d’échanges entre le public et les invités.
Du 16 au 20 mars, le Festival des Écrivains du Sud accueillera une cinquantaine d’auteurs à Aix-en-Provence sur le thème « La littérature éclaire le monde ».
Thème de cette nouvelle édition du Festival des Ecrivains du sud, L’écriture, c’est la vie ! Réponse à la double question posée lors d’un précédent festival : Pourquoi écrire ? Comment écrire ? « Avec ce que l’on est » avait répondu comme un défi Paule Constant, la directrice artistique, qui depuis 2003 écrit chaque …