Le beau roman de Reinhardt, « Sarah, Susanne et l’écrivain », montre un romancier aux prises avec le désir d’une lectrice qui veut qu’il écrive pour elle le roman de sa vie. Quel écrivain n’a pas, un jour ou l’autre, fait la rencontre de ce personnage qui déclare que sa vie est un roman.
– C’est à dire ?
– Avec des aventures, des voyages, des rencontres inimaginables, des amours tragiques ou merveilleuses, des coups de chance, un destin…une vraie fiction !
– Mais il y a des romans de la réalité ordinaire, des autofictions, des récits, de plus en plus de récits, cet art si français !
Nous sommes à l’aube d’une nouvelle forme de romanesque. Adieu la fiction débridée. Chaque passant porte en lui le roman de son existence qu’il écrit en la vivant, une biographie minuscule avec un début, une fin, et les chapitres des âges de la vie. Tous semblables et chacun différent. Notre vie à distance que l’on retrouve dans celle de l’autre.
Quand Chat GPT, prenant le relais d’Arlequin et de ses avatars qui se consomment à millions d’exemplaires, écrira en quelques minutes des romans d’imagination bien fleuris, il restera dans nos cœurs le roman de notre vie. Il suffira pour certains d’entre nous de l’extraire de son mystère pour le mettre au monde. A « ma vie est un roman » succédera alors « la vie du roman », une aventure aussi difficile que mystérieuse. La lectrice de Reinhardt le sait bien qui fait appel à un écrivain. Certains passeront par l’école d’ateliers d’écriture ou de cours de création de prestigieuses universités. Les plus fous se lanceront, au risque de se perdre, dans la vie du roman, la seule qui vaille, celle de son écriture.
Paule Constant
de l’académie Goncourt
Présidente du Centre des Écrivains du Sud