Dans Les Funambules, le héros compassionnel de Mohammed Aïssaoui réinvente le métier d’écrivain public pour le mettre au service des plus démunis. « L’écriture est la vie », dit-il en permettant aux fantômes qui hantent nos rues de laisser une preuve de vie.
Il existe toute une littérature du deuil pour ramener le mort sinon à la vie du moins à son vécu et l’inscrire dans un récit hagiographique. On ne compte pas les livres de réparation inspirés par les accidents de l’existence : chagrins d’amour, procès perdus, guerres oubliées, graves maladies.
Tout individu porte en lui une histoire qu’il met au monde lorsqu’il la couche sur le papier dans une symbolique presque religieuse. Par l’Écriture l’auteur s’inscrit dans la Création et confie son oeuvre à la vie éternelle des bibliothèques !
L’écriture ou la vie ? Éternelle question que se posent les écrivains que nous célébrerons pendant le Festival. Lapouge, ce voyageur immobile, explorateur des lieux qu’il a inventés. Giono, dont il était si proche, qui vit sa création comme un rêve éveillé dans l’exubérance d’une perpétuelle recréation de la vie. Proust qui avait choisi d’écrire pour ne pas vivre et qui exploitait, confiné dans sa chambre, l’écho de ses souvenirs. Les frères Goncourt qui vivaient pour écrire et dont la vie n’était que les notes préliminaires du livre à venir.
Il paraît que le confinement a envoyé chez les éditeurs tant de livres qu’ils ont déclaré forfait. Le face-à-face avec soimême est un grand pourvoyeur d’écriture. S’inventer pour ne pas avoir à se supporter, écrire pour se connaître mais surtout pour laisser une trace. En Occident, toute mémoire passe par un récit, un conte ou une histoire. L’Écriture, c’est la vie !
Paule Constant